Comment Gareth Southgate a calmé les tabloïds et les "WAGs"
Le sélectionneur anglais est parvenu à créer un cadre de travail nettement plus serein. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain mais son style plus moderne fait pour le moment l’unanimité. Ce qui a pour mérite de libérer ses joueurs sur le terrain.
- Publié le 26-06-2018 à 18h55
- Mis à jour le 27-06-2018 à 08h16
Le sélectionneur anglais est parvenu à créer un cadre de travail nettement plus serein. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain mais son style plus moderne fait pour le moment l’unanimité. Ce qui a pour mérite de libérer ses joueurs sur le terrain. L’Angleterre a toujours été une terre de traditions. Le thé, la conduite à gauche, la livre sterling et la monarchie sont des piliers sur lesquels le pays a basé son histoire. Le foot ne déroge pas à la règle car chaque grande compétition permet aux tabloïds de descendre son équipe nationale et aux wags, les fameuses compagnes des joueurs, de capter toute l’attention et de quelque peu perturber la quiétude tant recherchée par le groupe. Depuis bientôt deux ans, Gareth Southgate est parvenu à enrailler cette coutume, mettant fin aux conditions qui permettaient à ces traditions malsaines de pourrir le parcours anglais lors d’un Mondial. Le sélectionneur a adopté un style plus ouvert que ses prédécesseurs qui a charmé les suiveurs. Pour le moment, cela porte ses fruits car tout le pays fait corps derrière sa sélection. Comme cela faisait longtemps que ça n’avait plus été le cas. Jusqu’à la prochaine déroute ? On le saura rapidement...
Même pas le début d’une polémique
Un changement de brassard et une composition faussement divulguée n’ont pas perturbé le groupe.
"Circulez, il n’y a rien à voir."
Ou à écrire, plutôt. Lors des précédents tournois, la presse sensationnaliste anglaise s’en donnait à cœur joie et n’hésitait pas à gonfler quelques petites histoires au point de déstabiliser l’un ou l’autre joueur du groupe. Pendant le Mondial 1990, Paul Gascoigne avait terminé une soirée bien alcoolisée dans la piscine d’un hôtel d’Alberobello, ce qui lui avait permis de faire les gros titres durant plusieurs jours. Douze années plus tard, une escapade de David Beckham dans un Hard Rock Café de Kobe, au Japon, avait même obligé la police locale à boucler le quartier, histoire d’éviter une émeute.
Les disputes entre John Terry et Rio Ferdinand, sur base d’insultes racistes, ou encore les rivalités exacerbées entre joueurs de Liverpool, Chelsea et Manchester United ont également fait les choux gras de la presse.
"Cela a tué notre génération dorée. Nous étions tous des rivaux, donc je n’allais pas commencer à parler ouvertement avec Frank Lampard, Steven Gerrard ou Jamie Carragher" , a confessé, plus tard Rio Ferdinand.
Gareth Southgate est parvenu à se mettre une large partie de la sphère médiatique dans la poche. Avant les entraînements, un joueur vient même défier un journaliste aux fléchettes dans le centre de presse et, à l’heure actuelle, ce sont bien les Three Lions qui dominent le classement général. La piste de bowling qui y a été installée a également permis à Jesse Lingard de tester ses talents, au bon milieu de l’ensemble de la presse (voir par ailleurs).
À Repino, où l’Angleterre a établi son quartier général, le calme règne en maître. Cela peut ressembler à une mise en scène de la part de la Fédération mais cela porte clairement ses fruits. Même le passage du brassard de capitaine entre Jordan Henderson et Harry Kane n’a pas soulevé la moindre polémique, tout comme une feuille de papier avec un onze de base photographiée dans la main de l’entraîneur-adjoint.
Le mérite en revient à Gareth Southgate et à sa communication moderne, teintée de second degré pour détendre l’assistance lorsqu’un peu de tension commence à naître. Le sélectionneur pousse tout le monde à l’optimisme car selon un proche de la sélection, "on n’avait plus cela depuis 1966" . Date de la victoire anglaise en Coupe du Monde…
Plus de shopping à 20.000 euros
Les WAGs et leurs excès ne hantent plus le camp des joueurs anglais et n’excitent plus la presse people.
C’était il y a deux ans. L’épouse de Jamie Vardy, une certaine Rebekah, avait publié, juste avant le début de l’Euro, quelques tweets malheureux laissant penser que son mari allait signer à Arsenal. Colère sur les réseaux sociaux, titres dans la presse et joueur obligé de s’expliquer : une WAG avait à nouveau perturbé le quotidien de la sélection.
Tout cela est bien terminé aujourd’hui. Grâce à l’habileté de Gareth Southgate, qui a permis aux familles de ses joueurs de venir en Russie, mais qui a pris le soin de les installer à quarante kilomètres du centre d’entraînement.
"Je les encourage même à venir , disait-il en novembre dernier. Les joueurs pourront les voir après un match car je sais que c’est très important pour certains d’entre eux. Pas spécialement pour moi car je serai concentré sur le tournoi et je ne veux pas être déconcentré."
Il a visiblement trouvé la bonne tactique car, dans l’ensemble, tout le monde est content : les internationaux ne sont pas totalement coupés de leurs proches et la sélection peut vivre sereinement. Finalement, seuls les tabloïds peuvent se sentir frustrés car ils n’ont jusqu’ici eu aucune histoire croustillante à se mettre sous la dent. Une sacrée différence pour eux qui aimaient envoyer des paparazzis suivre les épouses des internationaux pour les afficher en pleine page dès le lendemain.
Personne, en Angleterre, n’a oublié le traumatisme de la Coupe du Monde 2006. À l’époque, David Beckham était parvenu à convaincre le sélectionneur, Sven-Göran Eriksson, d’installer les compagnes des joueurs dans le même village qu’eux. Elles s’en étaient donné à cœur joie avec des séances de shopping estimé à plusieurs dizaines de milliers d’euros et des soirées terminées dans un état d’ivresse particulièrement avancé. Le personnel de l’hôtel avait même été obligé de construire un mur en toute hâte pour éviter que les paparazzis pénètrent dans la zone.
Entre ce cirque médiatique et la fermeture pratiquement militaire de Fabio Capello, Gareth Southgate semble avoir trouvé l’équilibre parfait.
Même si les retraites internationales d’Ashley Cole et David Beckham et de leurs très médiatiques épouses l’ont bien aidé également…
Une fête foraine pour la presse
Tout est prévu pour que les journalistes anglais ne s’ennuient pas…
C’est à cinq minutes de son hôtel que l’Angleterre a décidé d’implanter son centre de presse. Au premier étage de l’hôtel Cromwell, au bord du golfe de Finlande très exactement. Le lieu est splendide avec une vue sur la mer qui change radicalement du cadre plus populaire de Dedovsk, où les Diables Rouges s’entraînent.
Ce mercredi, c’est John Stones qui a été prié de se mesurer à un journaliste lors d’une petite partie de fléchettes. Le règlement est clair : trois lancers de fléchettes par personne et le gagnant est celui qui amasse le plus de points. Le défenseur de Manchester City n’a pas eu besoin de trop forcer son talent vu que notre confrère n’a pas atteint une seule fois la cible. Un jeu bon enfant, réalisé dans une excellente ambiance et, surtout, devant une foule de caméras.
Juste à côté, quatre pistes de bowling, une télévision reliée à une PlayStation 4, un kicker, un jeu de palets et bien entendu, une table de billard, véritable sport national. Pas étonnant que les journalistes y prolongent leur journée. Qui ne le ferait pas, d’ailleurs ?